Boite de cours particuliers : 1er contact
J’ai pris il y a peu contact avec l’une d’entre elles pour voir si notre collaboration pouvait être fructueuse. Ceci est le récit de notre rencontre et de notre séparation.
Il y a de la pub partout. On tombe sur eux à tout les coins de rue. Cela excite la curiosité, la pub. D’ailleurs, c’est fait pour ça. Voyons voir, me suis-je dit. J’ai dégotté leur numéro et hop.
Je suis tombé sur une dame très aimable qui m’a annoncé qu’il y avait un élève dans mon secteur et que le type qu’ils avaient recruté avant moi ne savait pas répondre à ses questions. (!!)
« Je peux commencer dés aujourd’hui. » annonce-je, fier de ma réactivité, c’est une qualité très recherchée dans le privé, m’a-t-on dit.
« C’est impossible me dit elle, il y a une procédure. » Puis la dame très aimable a dit qu’il fallait prendre un rendez-vous téléphonique. Ce fut fait : rendez-vous pour le jeudi suivant. Il fallait aussi envoyer un extrait de casier judiciaire vierge (des fois que j’attaque des banques de temps à autres pour mettre du beurre dans les épinards.) Soit !
Le jeudi suivant, le téléphone sonne.
Une autre dame très aimable m’apprit quelles étaient les conditions de la grosse boite. Je fut estomaqué.
Les Conditions
Primo, la grosse boite qui ne sert concrètement qu’à me trouver des élèves (que je trouve d’ailleurs sans elle) prend au vol (joli coup d’épuisette !) un peu moins de la moitié du chiffre d’affaire.
Deusio, Je (moi le salarié), je dois PAYER une assurance pour commencer à travailler.
Tertio, la grosse boite demande que je remplisse des tas de papiers notamment sur la progression de l’élève, qu’elle renvoie plus tard aux parents. J’ai eu beau leur dire que je savais parler et qu’il m’était facile de m’entretenir DIRECTEMENT avec les parents sans leur tuyauterie administrative, rien n’y fit…
Quarto ? Je ne sais pas bien ce qu’il y a après « tertio » mais en l’occurrence, ça vaut le détour, c’est du comique du vrai :
La deuxième dame très aimable m’a fait comprendre qu’un entretien d’embauche allait commencer, qu’ils étaient sélectifs et patati et patata …
Je me suis alors concentré attendant quelques questions pertinentes sur mes méthodes et expériences d’enseignement et là …
« – Voulez-vous me donner les chapitres du programme, s’il vous plait ?
-Vous voulez dire, vous réciter … les chapitres …? interrogeai-je sidéré.
-Oui. »
Cher programme de terminale S
Les chapitre de terminale S, je les enseigne depuis … quinze, non seize ans (ça fait mal mais c’est vrai…) J’ai donc commencé à en déballer quelques uns « Continuité et dérivabilité, nombres complexes… » Puis, à la vu du livre de math qui traînait sur mon bureau et qui possède la liste détaillée de ces chapitres en page quatre, une idée idiote m’est venue :
« C’est un entretien téléphonique, j’ai ce livre à porté de main, je pourrais lui lire ses chapitres, le tout bien confortablement sans qu’elle ne le sache… et c’est ça leur mode de recrutement…? »
Je me suis arrêté net pour faire part à la deuxième dame très aimable de mon incompréhension, … incompréhension qui se mit à tourner au vinaigre quand elle m’expliqua que c’était comme cela, que c’était leur test, leur SEUL test d’aptitude … Je proposais d’inventer un exercice, là, tout de suite sur un sujet qu’elle me donnerait… mais rien n’y fit. La dame aimable voulait ses chapitres et rien d’autre… (elle aussi, elle devait avoir un bouquin sous les yeux, la gourgandine… c’est pour ça…)
J’ai donc envoyé baladé (très poliment la dame très aimable), et cela en justifiant « d’un mode de recrutement aberrant auquel mes années d’expérience et ma dignité m’interdisaient de participer. » J’ai peut-être été un peu grandiloquent, mais cela vaut mieux que d’être grossier et je crois que j’étais à deux doigts de le devenir (il y a des sujets qui me fâchent.).
Je n’ai pas craché plus de deux chapitres, Dieu m’en est témoin. Et bien figurez vous que la dame très aimable voulut tout de même de mes services. Je ne les lui ai pas accordés.
Sur le moment, je l’ai gratifié d’un « Je vais réfléchir. » , histoire de me faire désirer, et c’est seulement une semaine plus tard que j’ai fait part de mon refus, avec un plaisir indicible, avouons-le.
En résumé :
Que dois-je penser d’une grosse bête administrative qui attrape 40% du chiffre au vol et cela à seul fin d’agiter l’air et de couvrir l’univers connu d’affiches ineptes ?
Que dois-je penser d’une grosse bête qui se vente sur toutes les radios et télévisions de « ses résultats » et de la qualité de ses enseignants et qui les recrute moins intelligemment que je choisis un poulet au Leclerc ? (Je ne prends que du fermier.)
J’en pense naturellement le plus grand mal, mais je reconnais deux choses :
– Leur opération commerciale est habile et les dirigeants doivent être à l’abri du besoin.
– Leur rencontre m’a permis de comprendre le système du Chèque Emploi Service, dont j’ignorais tout avant. (Ils se font payer ainsi.)
C’est somme toute un peu grâce à eux que je peux aujourd’hui vivre en toute légalité de ce métier. Je les remercie donc très chaleureusement (au deux sens du mot.)